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Témoignage de Éléa

résiliente Souffrance au travail

29/02/2016

Ce que j'aurais voulu leur dire...

et que je préfère partager avec vous..

Chers collègues,

 

Si vous saviez comme cela m'insupporte que vous ne mesuriez pas la violence que j'ai vécue ni l'injustice que j'ai subie. Comme cela me blesse et me ronge que vous ne mesuriez pas la gravité des séquelles et l'impact sur ma santé parce que ça ne se voit pas, parce que je n'ai pas de coups, je n'ai pas de bleus, je n'ai ni bras ni jambe cassés... pourtant c'est tout mon être qui est meurtri, tuméfié, lacéré, broyé, c'est tout mon être qui a implosé ce jour là !

Je suis debout, oui, mais en mille morceaux, brisée intérieurement... un simple coup de vent et je vole en éclat... mon intégrité physique et psychique tient à un fil.

Témoignage de résiliente souffrance au travail

J'ai été assaillie, assiégée, effractée, pillée, salie, maltraitée, humiliée, menacée... tout cela à la fois mais seulement "psychiquement"... Oui, seulement "psychiquement" parce que ça ne se voit pas, je ne porte aucun stigmate de mon agression, tout au plus des larmes abondantes, incontrôlables, même deux ans après lorsque l'on aborde le sujet. Mais les larmes, tout le monde en verse, pour tout et n'importe quoi d'ailleurs... on peut même pleurer de rire... difficile donc de mesurer la souffrance au volume de larmes versées.

C'est là tout le problème, mes coups, mes blessures, mes cicatrices sont invisibles, inaccessibles, inquantifiables, abstraites... peut être même inexistantes pour les autres.

J'aurai préféré être rouée de coups... j'aurai cicatrisé plus vite et cela aurait été plus simple pour me faire entendre, pour me faire reconnaître, pour me faire respecter, parce que celui qui est roué de coups, on ne lui demande pas d'expliquer ce qu'il ressent, de prouver sa souffrance, de prouver qu'il est victime, ça se voit... la compassion et l'empathie sont immédiates puisque l'on a la preuve devant les yeux !

 

Pour moi c'est différent, je dois me justifier, expliquer encore et encore, revivre encore et encore l'insoutenable et raviver le traumatisme ... parce que non ce n'était pas une simple altercation entre collègues de travail, non ce n'était pas un crêpage de chignon entre bonnes femmes ou l'expression de deux egos démesurés qui marquent leur territoire, ce n'était pas davantage une femme aux dents longues qui a voulu être calife à la place du calife et qu'il a fallu remettre à sa place, ou enfin l'expression d'une femme fragile qui a du mal à gérer la pression et dont le perfectionnisme démesuré l'a confrontée à ses propres limites... Et ça me fait mal de savoir que certains d'entre vous se sont résolus à croire cela parce c'est plus facile pour vous de vous regarder le matin dans la glace, alors que nous nous connaissons pour certains depuis plus de 15 ans !

Si j'avais été battue, les gens spéculeraient peut être moins et sauraient sûrement mieux se positionner instinctivement, clairement ... sans ambiguïté devant l'inhumanité et l'injustice de la situation.

 

Pourtant, s'ils savaient... s'ils me voyaient au quotidien depuis deux ans... ils comprendraient... Oui, deux ans après, je suis toujours à vif... mes cicatrices se réouvrent régulièrement, saignent, suintent... le processus est lent, douloureux... je suis tel un homard sans carapace, à nu, sans protection, sans filtre, à la merci de tout et de tous... la moindre particule peut me faire réagir, me faire mal, me blesser, m'agresser... tout est devenu "trop" dans mon quotidien : "trop" de lumière, "trop" de bruits, "trop" de couleurs, "trop" de notes de musique, "trop" de paroles, "trop" de gens, "trop" de mouvements, "trop" d'agitations, "trop" de perceptions, "trop" de stimuli, "trop" d'informations, "trop" d'émotions... Je ne suis plus apte à RIEN car trop sensible à TOUT !

Tout me transperce, tout me griffe, tout me déchire, tout m'agresse et tout m'épuise. Tel un allergique ne pouvant être en présence de la substance allergène, je réagis violemment jusqu'à l'oedème de Quincke... je crois que je pourrais en mourir et que c'est devenu irrémédiable, je suis devenue intolérante à tout ce qui touche de près ou de loin à mon travail. C'est tellement violent, c'est tellement irrépressible, incontrôlable, irraisonné, instinctif... primaire... c'est une question de survie en somme, c'est mon corps qui prend les commandes pour me dire : "si tu retournes là-bas, c'en est fini pour toi !"

Je dois donc à tout prix fuir cette substance toxique ; oui cette fuite que je n'ai pas su prendre il y a un an et demi, c'est mon corps qui me l'impose aujourd'hui.

 

Je suis une forteresse dont il ne reste que des ruines ; une forteresse qui a longtemps résisté, qui est restée debout, droite, forte, contre vents et marées, contre toutes les attaques... longtemps, trop longtemps, jusqu'au dernier assaut. L'assaut final, l'assaut de trop, celui par surprise, celui déloyal, celui qui n'a ni règles ni lois, l'assaut qui vise à détruire, pas à envahir.

Je n'ai pas suffisamment dressé ma garde, j'ai vu la "grand mère" quand il fallait voir le "loup", je voyais une victime quand il fallait voir le bourreau, j'ai vu l'humain dans le monstre... Le cheval de Troie n'a eu aucun mal à rentrer dans ma forteresse, laissant surgir le fou armé jusqu'aux dents quand je sortais le drapeau blanc !

Mes valeurs et ma loyauté sont tout à la fois ma richesse et ma plus grande faiblesse car ce sont mes chaînes... celles qui m'ont empêchée de fuir, celles qui m'ont clouée à mon fauteuil quand ma directrice a porté l'estocade, ce jour-là...

Ce jour où elle m'a humiliée, m'a menacée, m'a diffamée, m'a hurlé dessus et m'a parlé comme si j'étais une sale gosse et qu'il fallait me punir sévèrement pour que je comprenne qui était le chef et qui commandait.

Et comme au début de l'assaut, bien que médusée, je résistais en la mettant face à ses incohérences, mensonges et absurdités, elle est passée au stade ultime, elle a sorti l'artillerie lourde... et elle est devenue quelqu'un d'autre, quelqu'un que je ne connaissais pas, quelqu'un qui a de la folie dans les yeux, quelqu'un qui a de la folie dans les gestes, quelqu'un qui a de la folie dans la voix... et là, face à l'irrationnel, face à l'irréalité, face à l'absurde votre cerveau n'est plus en capacité de gérer toutes ces informations erronées en même temps, vous n'avez plus aucun repère, plus aucun code, plus aucun système de référence, vous êtes tout simplement dépassé par une telle situation et vous ne comprenez même pas comment vous avez fait pour en arriver là... comme s'il vous manquait le début de l'épisode ! "J'ai loupé un truc ou quoi ?" "c'est une caméra cachée ?"

Mais non, la personne en face de vous ne rit pas du tout ! Il n'y a pas de caméra, et vous n'êtes pas en train de rêver... plus aucun mot ne vous vient à l'esprit, plus aucun geste... vous êtes dans l'incapacité de réagir de façon adaptée parce que vous ne comprenez pas ce qui est en train de se jouer... vous êtes dans un jeu où il est question de vous abattre, la partie a commencé sans que vous vous en rendiez compte et personne ne vous a donné les règles ni les explications nécessaires pour que vous puissiez vous défendre ou anticiper les coups... c'est la confusion la plus totale, la peur puis la panique s'emparent de vous parce que, pendant ce temps, l'ennemi en face continue son assaut avec acharnement, avec sauvagerie... et très rapidement, vous finissez par être complètement sidéré par ce qui est en train de se dérouler devant vos yeux.

Le pire c'est que j'ai conscience de la gravité de la situation, je me vois assise, à la merci de ma directrice qui a clairement pété les plombs et qui est en train de me laminer, mais devant tant de folie, je ne peux plus rien faire, je ne peux plus gérer cela, ce n'est plus de mon ressort, et c'est trop dangereux... oui dangereux... je le sens, comme un flingue braqué sur ma tempe... je ne peux plus respirer, tout s'est resserré d'ailleurs en moi : mon œsophage, mes poumons, ma cage thoracique, mon coeur, mon ventre, mes vaisseaux sanguins... tout est étriqué, j'étouffe, j'ai chaud, je suis pourtant parcourue d'une sorte de courant électrique fulgurant et glacé qui part en bas de ma nuque et se propage dans ma tête pour finalement exploser dans mon cerveau, ça bourdonne dans mes oreilles...

 

A ce stade, vous ne pouvez plus rien faire, plus rien penser, plus rien dire... il ne vous reste qu'une possibilité : TENIR et SUBIR ! Même avaler est devenu difficile tellement tout s'est resserré et que votre bouche est desséchée, cette sensation je l'ai encore aujourd'hui et je me souviens que ne salivant plus, je n'arrivais même pas à articuler les mots correctement.

Je me voyais scotchée à mon siège, tout mon corps était en plomb, j'étais à la fois dedans la scène et en dehors, spectatrice abasourdie, priant pour que mon coeur ne lâche pas car il tapait si fort dans ma poitrine devenue si petite que je sentais une pression grandissante, comme un étau qui se resserre millimètre par millimètre... ça fait mal, ça fait peur... ça vous confronte à votre mort imminente : celle du flingue symbolique de votre agresseur, qui exerce son pouvoir de vie ou de mort sur vous, vous qui n'êtes plus désormais à ses yeux un être humain, seulement un problème à éliminer ; celle par crise cardiaque, compte-tenu des douleurs croissantes et de plus en plus intenses dans la poitrine ou celle par A.V.C., car l'explosion dans le cerveau a été violent, c'est la première fois que cela vous arrive, votre tête vous fait tellement mal, ça bourdonne dans les tympans, vos tempes pulsent... votre cerveau est en surchauffe, en souffrance, au bord de la rupture.

Et de voir que mon état de détresse et de souffrance ne diminue en rien l'acharnement de ma directrice, me terrifie et me sidère encore plus, parce que malheureusement je n'ai pas perdu ma lucidité... c'est juste horrible ! Et cette insensibilité, cette absence d'empathie vous confirme qu'elle est entrée dans une logique de folie meurtrière symbolique... c'est palpable, c'est extrêmement clair, elle veut vous éliminer, elle est en train de vous écraser comme elle écraserait du bout du doigt une insignifiante fourmi. Et ça effectivement c'est terrifiant ! Parce que c'est inhumain, parce que c'est amoral et que l'on n'est jamais préparé à cela.

 

Pourtant le soubresaut de révolte ou de défense, je l'ai eu, de façon trop furtive et pas assez intense face aux assauts et l'imprévisibilité de la situation, et puis j'étais, il faut le reconnaître, en état d'épuisement professionnel depuis de nombreux mois, stratégie ultime et payante pour m'affaiblir physiquement et donc psychiquement et ainsi tenter une dernière fois de me soumettre, et, devant ma résistance, me détruire. Ces soubresauts se sont manifestés par une tentative de résoudre de façon logique une situation ubuesque par le raisonnement et les faits. Le problème, c'est que très rapidement, je n'ai plus pu avancer sur ce terrain car la logique ne gagne jamais contre la folie et que devant un Everest de mensonges et de diffamations, mon cerveau s'est vite vu submergé et démuni. Jai essayé en vain de mettre du sens et d'essayer de comprendre là où c'était tout bonnement impossible.

L'autre soubresaut a duré une fraction de seconde j'en suis sûre mais je l'ai vécu comme un ralenti car je me souviens qu'en même temps je me raisonnais et j'anticipais sur la portée de mes actes si je me laissais aller à la pulsion primaire qui montait en moi (mais qui m'aurait évité d'être dans l'état dans lequel je suis actuellement, j'en suis persuadée). Lorsqu'elle a commencé à débiter toutes ces horreurs sur moi, qu'elle a commencé à hurler, à m'infantiliser, à m'humilier, je me suis vue lui sauter dessus et la coller au mur pour la faire taire et lui hurler à mon tour mes quatre vérités et le fait qu'elle était complètement cinglée et qu'il fallait qu'elle se fasse soigner. Cette image-là, ou plutôt cette pulsion là était si forte, si violente, qu'elle m'a tout autant terrifiée car ce n'est pas moi, je ne suis pas comme cela habituellement et sans doute, mon éducation, mes valeurs, mon moi idéal m'ont censurée et m'ont empêchée de passer à l'acte. En fait je suis bien trop équilibrée pour pouvoir faire ce genre de choses et à mon tour péter un plomb... et c'est sans doute ce qu'elle cherchait pour accentuer son statut de victime.

 

Je ne regrette pas de ne pas l'avoir fait, mais maintenant je comprends que l'on puisse le faire, je comprends maintenant que quelqu'un fragilisé, persécuté, humilié, harcelé, victime de diffamation, d'injustice et dans l'impossibilité de se faire entendre, puisse en venir aux mains ou aux armes... il faut être sacrément fort psychologiquement et ancré dans le réel pour résister à cette pulsion qui semble être, sur le moment, la seule solution pour que la torture cesse.

Ayant renoncé à l'affrontement, il me restait la fuite, je l'avais déjà pratiquée des semaines auparavant lorsque ma directrice avait commencé à dépasser les bornes et que j'étais moi-même sur le point de les dépasser... mais cette fois-ci ma tentative de fuite a échoué car elle m'a aussitôt suivie, en bondissant pour obstruer le passage, en empoignant la poignée de la porte et en la refermant aussi violement que possible tout en m'intimant l'ordre de m'asseoir parce que c'était elle la directrice et que c'était elle qui commandait... "Maintenant, tu te tais et tu t'asseois ! C'est moi la directrice, c'est moi qui commande !"

Encore une fois, devant cette scène, j'ai été ahurie par le comportement de cette femme, à qui l'on donnerait le bon dieu sans confession, que je pensais être mon amie, à qui j'avais apporté mon soutien indéfectible dans sa nouvelle prise de fonction et que la plupart des collègues croit encore aujourd'hui incapable de faire cela.

 

Je crois aussi qu'inconsciemment j'ai parfaitement mesuré les enjeux si je "désobéissais" car, devant une telle violence et folie, cela nous aurait menées à un affrontement physique, j'en suis persuadée... vu l'état second dans lequel elle était, elle m'aurait retenue physiquement et ça je ne l'aurais pas supporté ! Elle n'était plus elle même... même ses yeux étaient terrifiants, rouges, exorbités, immenses et ronds, sa bouche se déformait à chaque mot prononcé, tantôt comme si elle allait me vomir, tantôt comme si elle allait m'avaler... lorsqu'elle penchait son corps en avant, les mains en appui sur le bureau, on aurait dit un gorille menaçant le groupe pour bien signifier qui était le chef, et parfois elle s'avançait tellement que l'on aurait dit un lion prêt à bondir par dessus le plateau pour me dévorer... oui, même sa gestuelle lui était étrangère et ça aussi c'est terrifiant d'expérimenter cela, de voir quelqu'un que l'on pensait connaître depuis très longtemps, avec qui on a partagé des moments intimes, des confidences, tomber le masque et dévoiler sa vraie personnalité, dans toute son horreur et sa folie... c'est monstrueux et terrifiant, parce que d'un seul coup vous vous transformez en petite chaperon rouge, vous allez vous faire dévorer par le loup déguisé en grand-mère et vous n'avez rien vu venir !!!

Quand se battre est impossible, quand la fuite a été vaine... vous ne pouvez plus que subir...

 

Sidérée, vous regardez le film de votre propre vie se dérouler devant vos yeux tout en vous disant "mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?" "Comment dois-je réagir ?" "Qu'est ce que je dois répondre?".

Mais à chaque fois vous vous retrouvez dans le cercle vicieux "Affronter ? Fuir?" et le questionnement reste sans réponse... en boucle ... tel un ordinateur, vous avez bel et bien "buggé" !!!

Impossible de trouver la solution, de toute façon vous n'arrivez plus à réfléchir, vous n'arrivez plus à pleurer, vos larmes du début de l'entretien se sont taries, vous ne ressentez plus rien émotionnellement maintenant... sauf cet étau qui continue à faire son travail, tout est tellement resserré en vous et autour de vous, même votre champ de vision s'est resserré proportionnellement à votre champ d'action... tout s'est rétréci comme peau de chagrin ; bientôt, vous allez tellement rétrécir que vous allez finir par disparaître... c'est bien ça, disparaître, au moins elle vous laissera tranquille.

 

Sans vous en rendre compte, vous vous transformez en automate, votre cerveau et vos émotions sous le bras, vous finissez votre journée de travail, vous faîtes exactement ce que l'on attend de vous, sans vous poser de questions, sans opposer la moindre résistance, le but est de se faire la plus petite possible, ne pas se faire remarquer, ne pas déclencher à nouveau une crise de folie chez l'autre, survivre à cette journée, ne pas mourir au bureau... Limiter tout au maximum, les mouvements, les mots, les interactions, les contacts visuels... ne pas trop bouger, ne pas se faire remarquer, respirer à peine et surtout, surtout, essayer de ne plus entrer en contact avec l'agresseur dont le bureau se trouve juste à côté...

 

Si je pouvais arrêter le temps, remonter le temps... pour essayer de comprendre ce qu'il vient de m'arriver, pour essayer de comprendre comment j'en suis arrivée là, pour essayer de comprendre quelles erreurs d'appréciation j'ai commise, qu'est ce que j'ai fait de mal pour que quelqu'un me déteste à ce point ... et pour essayer d'envisager mon devenir professionnel, comment vais-je pourvoir survivre en milieu si hostile, sous le joug d'un tyran fou ???

Si seulement je pouvais revenir en arrière, rectifier les erreurs commises... le problème c'est que je ne vois pas ce que j'ai fait de mal, je ne vois pas quand j'ai pu la blesser au point qu'elle veuille me détruire, je ne vois pas où j'ai péché... qu'on m'explique, qu'on me montre où j'ai merdé !!! Si seulement je pouvais revenir en arrière !!! Je suis prisonnière de cette scène, et je ne peux plus aller de l'avant ...

 

Et cette impression résume parfaitement ce que j'ai vécu pendant de très long mois après ce fameux entretien, j'ai revécu en boucle cette scène, chaque seconde, chaque minute de mes heures éveillées et même de mes heures endormies puisque ma directrice avait aussi le pouvoir de me terroriser dans mon sommeil ! Pas un seul instant de répit, enfermée dans cet événement pourtant insignifiant si on le rapporte à l'échelle d'une vie... et pourtant ces 30 ou 45 minutes tout au plus m'ont marquée au fer rouge, comme un tatouage dans les sillons de ma mémoire, le mot traumatisme recouvre tout, assombrit tout... je ne vois plus que lui ! Je ne ressens plus que lui !

Ma directrice a réussi à tout salir, à tout démolir à tout contaminer... mon lieu de travail est devenu le lieu de mon agression... l'endroit où je me suis faite laminée, l'endroit où je ne pourrais sans doute jamais plus remettre les pieds, car cette idée même me panique, me révulse, me tétanise, même deux ans après les faits !

 

Il m'aura fallu plus d'un an pour arriver à mettre des mots sur tout cela, pour arriver à comprendre les mécanismes en puissance, pour arriver à mettre du sens, pour arriver à ne plus avoir honte, à ne plus me sentir coupable d'être en arrêt de travail, pour arriver à accepter que j'ai été victime de harcèlement moral parce que précisément je ne me suis pas soumise et n'ai pas renié mes valeurs, que j'ai fait un Burn-out parce que précisément je suis résistante au stress, parce que j'ai une puissance de travail supérieure aux autres, parce que je suis consciencieuse, parce que je sers le collectif et non l'individuel, parce que je voulais m'épanouir dans l'exercice de ma profession et pouvoir incarner et mettre en œuvre mes idéaux et parce que je suis loyale, fidèle, intègre ... et que ce qui s'est passé dans le bureau de ma directrice ce jour-là a déclenché un Etat de Stress Post Traumatique qui, aujourd'hui j'en suis convaincue, m'a sauvé la vie.

 

Oui, sans cette altercation de trop, je réalise maintenant que je serais allée probablement jusqu'au bout du processus de destruction de ma Directrice et jusqu'au bout du processus d'épuisement professionnel... Or l'Etat de Stress Post Traumatique ne m'a pas laissé le choix... le lendemain, lorsque le réveil a sonné je me suis effondrée sur le bord du lit, après n'avoir dormi que deux heures, ma nuit complètement envahie par une gigantesque crise d'angoisse qui m'a fait penser que j'allais mourir, là à 39 ans... mourir d'avoir trop travaillé, d'avoir trop été impliquée, investie, irréprochable, consciencieuse, compétente ... alors que mes larmes coulaient comme un raz de marée, j'ai compris que c'était fini, je ne POUVAIS PLUS retourner travailler, j'étais allée au bout de moi même, et sans doute même au delà... Je me suis résignée à aller voir le médecin car ma souffrance à cet instant était au-delà du supportable, au-delà de l'imaginable.

 

J'ai eu la chance d'avoir un médecin à l'écoute et conscient de la dangerosité de mon état (j'avais 17 de tension) et qui m'a immédiatement mise en arrêt de travail, je sais que ce n'est pas toujours le cas, et cela me révolte car leur responsabilité est grande, tout comme celle du médecin du travail puis du médecin de la sécu pour mettre un terme au processus...

 

Je vais passer sur la suite de ce que j'aurai voulu dire à mes collègues de travail, car j'aurais encore des dizaines et des dizaines de pages à partager et le plus important à mon sens c'est ce que je vais vous dire dans les lignes qui vont suivre... ces lignes sont pour vous, vous qui vous êtes reconnus et qui avez vécu une expérience similaire, vous qui doutez peut être de votre capacité à rebondir, à vous reconstruire.

 

Si aujourd'hui tout cela est clair, dans la formulation et dans la compréhension, et que je souhaite le partager avec vous, dans l'espoir que vous compreniez que vous n'êtes pas seul dans ce cas et qu'une issue positive est possible, que vous pouvez vous reconstruire et sortir plus fort de cet événement aussi traumatique fût-il, c'est grâce à un travail en profondeur opéré il y a 9 mois avec ma psychologue, Mme BILHERAN.

Je sais que cela est sans doute étrange de la nommer ainsi, surtout que mon témoignage figure sur son propre site, mais c'est le seul moyen dont je dispose pour pouvoir relayer le fait qu'il est essentiel de s'entourer de professionnels compétents et formés à nos problématiques spécifiques, que ce soit Mme BILHERAN ou un autre professionnel.

 

J'ai perdu plus d'un an en errance de diagnostic, augmentant ma souffrance et mon épuisement physique et psychique (jusqu'à faire des malaises vagaux quasiment tous les jours) parce que mon entourage médical n'était pas formé au Burn-out, ni au Stress Post Traumatique ou au harcèlement moral...

Plus d'un an à me battre comme une lionne pour essayer de me faire entendre, pour refuser de me laisser définir par le simple diagnostic de dépression sévère, pour ne pas me laisser embarquer dans une introspection psychanalytique qui m'éloignait de moi même et de la vérité... et refuser de déposer ma santé physique et mentale dans le seul traitement chimique que l'on me proposait.

 

C'est mon corps qui une fois de plus me le criait et sonnait la sonnette d'alarme mais cette fois-ci je l'ai écouté... mon état d'épuisement était à son paroxysme alors que depuis plus d'un an je ne faisais que me reposer, puisque j'avais développé une phobie sociale depuis l'altercation et que je ne pouvais quasiment plus sortir de chez moi si ce n'est au prix de fortes crises d'angoisse et de panique... difficile de faire moins que rien !!!

Mon système immunitaire s'était effondré, je n'avais plus de fer, j'avais des infections en tout genre et de tout ordre, des chutes de tension et des malaises vagaux à n'en plus finir, des insomnies, des crises d'angoisse, des cauchemars, des migraines qui pouvaient durer trois, quatre jours sans interruption... bref la liste est longue, interminable et tout aussi surréaliste que ma situation.

 

Et un jour, en sortant du cabinet de ma psy précédente, exténuée par la séance et arrivant à peine à marcher et à respirer, je me suis dis "Il faut que je trouve quelqu'un qui connaisse le sujet, ma psy actuelle est adorable, certainement compétente pour d'autres domaines mais là elle ne connaît rien au Burn-Out ni au Stress Post Traumatique et je suis en train de me ruiner financièrement et de ruiner ma santé car elle m'amène sur des chemins qui m'épuisent, m'éloignent et au bout du compte, je vais me perdre, complètement me perdre et elle ne saura pas me ramener !".

Comme je suis curieuse de nature et que j'ai besoin de comprendre ce qu'il m'arrive, j'avais commencé à lire (de façon laborieuse puisque même ça je n'en étais plus capable, tout comme écouter de la musique ou regarder la télé d'ailleurs, ou tenir une simple conversation) des articles puis le livre sur le Burn-Out de Sabine Bataille ("Se reconstruire après un Burn-Out"). En le lisant, je me reconnaissais parfaitement et j'étais en colère que mon entourage médical n'ait pas été en mesure de m'expliquer tout cela... ce qui m'a confortée dans le fait que la thérapie entreprise depuis des mois n'était pas la bonne et qu'il fallait que j'y mette un terme avant de tomber gravement malade. Ce que j'ai fait illico presto, non sans culpabilité... mais décidée à faire confiance à mon intuition et à ce que je ressentais au fond de moi.

 

La lecture du livre a soulevé d'autres questions et de fil en aiguille, au hasard de mes errances sur internet pour tenter de trouver ma vérité et des solutions à mon état d'épuisement, je me suis retrouvée sur le site de "Souffrance et Travail" et j'ai vu le nom d'Ariane Bilheran dans l'annuaire des professionnels.

Ma première réaction a été une colère immense. Comment se faisait-il que ni mon médecin généraliste, ni le médecin du travail, ni le médecin de la sécu, ni ma psy, ni ma praticienne EMDR ne m'avait parlé de ce réseau ???

A priori, si l'on accepte de recevoir un patient atteint de Stress Post Traumatique, qui a fait un Burn-Out réactionnel à la suite d'un harcèlement moral, j'imagine que l'on en connaît un peu sur le sujet et que l'on est en mesure de l'aiguiller, de l'orienter, de lui venir en aide a minima !!! Et pour moi, connaître ce réseau national c'était par exemple le minima. Visiblement nous n'avons pas tous la même conception du minima... et là aussi Mme BILHERAN m'aide à comprendre pourquoi ;-)

J'ai réalisé depuis que nombre de praticiens gèrent des cas dont ils connaissent peu de choses et cela est à mon sens irresponsable. C'est aussi absurde que de confier son utérus à un neurologue sous prétexte qu'il a fait médecine. Cela ne viendrait à l'idée de personne, n'est ce pas ?! Pourtant dans le domaine de la psyché, c'est exactement ce qui se passe ! Et ça me révolte !

 

Après la colère est venu l'espoir, celui de peut être avoir trouvé enfin le bon interlocuteur, le bon professionnel, celui qui va me tenir la main sur la voie de la reconstruction car de toute évidence, ma volonté et ma combativité ne suffisent pas et j'ai besoin de quelqu'un pour me sortir de cette prison intérieure.

Mme BILHERAN m'a répondu dans la journée même, avec précision, clarté, bienveillance... elle a mis en mots, sans me connaître, sans m'avoir jamais vue, ce que je ressentais, pressentais, percevais, avais l'intuition. A la lecture de son mail, j'ai fondu en larmes, je n'ai plus pu m'arrêter pendant plusieurs minutes, j'étais submergée par l'émotion de me sentir enfin comprise, réhabilitée, entendue, reconnue... et j'ai su que c'était la seule qui pourrait m'aider à me reconstruire, et à redevenir la femme que j'ai toujours été... mais en plus forte ...

Je ne me suis pas trompée... cela fait plusieurs mois que j'avance, parfois par bonds de géant, parfois à pas de fourmi... mais j'avance c'est indéniable et mes progrès sont très encourageants... Mon corps ne somatise plus et ça aussi c'est un énorme soulagement !!! Dès les deux premiers mois de thérapie, en suivant scrupuleusement le "protocole", mon eczéma a disparu, je n'ai plus eu d'infections, ni de chutes de tension, ni de malaises vagaux, ni de reflux gastrique, et là j'ai su que j'avais fait le bon choix. En deux mois j'avais plus progressé que les douze mois précédents !!!

Je suis certes toujours dans un état d'épuisement profond, parfois insoutenable, je suis toujours phobique, mon traumatisme est toujours réactif, mais tout est plus atténué et donc génère moins de souffrance, il me faut aussi moins de temps pour récupérer (avant je mettais une semaine pour récupérer d'un simple repas de famille ou d'être allée faire quelques courses, aujourd'hui je récupère en un ou deux jours, et j'arrive depuis peu à écouter de la musique, à lire un roman).

 

Et j'intègre de mieux en mieux le fait que chaque problématique doit être gérée en son temps... j'ai trop de batailles à mener pour les mener toutes de front et simultanément. L'essentiel est que je sois persuadée que je vais toutes les gagner, dans le respect de mon propre rythme, sans me faire violence.

Et aussi surprenant que cela puisse vous paraître, je sais qu'un jour je serai en mesure d'exprimer que cet événement de ma vie professionnelle aura été une chance inouïe de pouvoir devenir ce que je suis, tant sur le plan personnel que professionnel et que j'ai eu la sagesse et le courage de saisir l'opportunité. J'ai encore trop de colère en moi que je dois évacuer pour pouvoir l'exprimer mais ce jour viendra et je sais qu'il n'est pas si loin...

 

Durant ces derniers mois, Mme BILHERAN m'a permise d'être à nouveau active et actrice de ma reconstruction, elle a répondu à mes mille et une interrogations, et à mon insatiable envie de comprendre, elle m'a fait lire de nombreux articles et ouvrages (les siens, ceux de Sandor FERENCZI et d'Alice MILLER, ceux d'Hannah ARENDT... entre autre), et m'a soutenue et encouragée dans chacune de mes prises de conscience. C'est un travail délicat et patient d'éducation, de reconstruction, de réhabilitation, de restauration...

Et si le chemin est long c'est tout simplement parce que le travail doit se faire en profondeur et à plusieurs niveaux ; c'est parfois inconfortable, c'est parfois douloureux, c'est parfois décourageant, mais ensuite chaque étape franchie est une victoire et une grande source de satisfaction et de fierté.

 

Je ne laisserai plus jamais qui que ce soit me définir, m'humilier, me maltraiter ou me faire douter de la personne honnête et intègre que je suis,

Je ne tolèrerai plus jamais d'être sous les ordres d'une direction incompétente, corrompue et perverse,

Je ne sacrifierai plus ma santé pour le travail,

Je ne laisserai plus jamais piller mes compétences et ma créativité,

Je mérite un travail épanouissant, nourrissant, conforme à mes valeurs et mes idéaux, dans lequel je ne sacrifie rien de ce qui est important pour moi mais qui au contraire me permet d'exploiter pleinement mon potentiel et d'apporter modestement, à mon humble échelle, ma pierre à l'édifice d'un monde meilleur, plus humain, plus bienveillant... tel que je voudrais qu'il soit.

 

Si vous avez lu ce témoignage et que vous avez trouvé ce site, cela signifie que vous êtes déjà dans un processus de reconstruction, dans un élan de résilience... et c'est un excellent signe, j'en suis convaincue !

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