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La sortie du déni dans le harcèlement

  • 26 août 2009
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 23 avr.

Focus sur le harcèlement moral au travail: une pathologie collective partie IV

Entretien mené par Sylviane Lauro, publié sur Overblog



Sylviane LAURO:


En cas de harcèlement moral au travail, la plupart des salariés se détournent de leur entreprise pour remédier au problème et ne comptent que sur eux-mêmes, ces dernières ayant encore trop tendance à renvoyer l’individu à lui-même. Pourquoi, selon vous, cette boîte de Pandore est-elle si difficile à ouvrir?



Ariane BILHERAN:


Une boîte de Pandore est difficile à ouvrir car elle contient des choses atroces, et l’espoir pour seul réconfort! C’est toujours difficile pour un individu de se remettre en question, et de concevoir qu’il a fait une erreur. La difficulté croît proportionnellement avec le nombre de salariés et la taille de la structure. De même, un vieux matou a ses habitudes bien ancrées, et beaucoup plus de mal à modifier son comportement que le petit chaton.


Tout le monde a déjà fait ça dans sa vie: accuser l’autre parce que voir le problème nous coûte trop en énergie psychologique et en constat d’impuissance/d’échec.


On voit le problème quand on y est prêt.


Il en est de même pour les entreprises: il est nécessaire qu’elles aient atteint une certaine maturité pour enfin organiser une prévention et une gestion des risques efficaces. Il faut aider l’entreprise à mener sa conduite de changement, qui passe par une prise de conscience des problèmes traversés.


Vous savez, un jour, lors d’une expertise CHSCT, j’étais en charge de faire la restitution aux managers. Le DRH m’appelle et me met une pression effroyable pour que, surtout, je ne parle que des préconisations et non du diagnostic! Comment peut-on préconiser des choses dont on n’a pas compris la pertinence car l’on ne saura pas quels problèmes elles peuvent prétendre pallier? C’est effarant. Ce DRH était rongé d’angoisse et s’agrippait contre tout bon sens à son déni, pour se protéger à tout prix de ce qui était, pour lui, trop difficile à voir.


La sortie du déni est ce qu’il y a de plus difficile et de plus violent, tant pour l’intervenant extérieur qui peut se casser les dents à essayer de faire prendre conscience à l’entreprise d’un certain nombre de dysfonctionnements, que pour l’entreprise qui y risque une forme d’effondrement. C’est là souvent que les contre-pouvoirs syndicaux entrent en scène, ainsi que l’inspection du travail, c’est-à-dire des acteurs qui viennent rétablir une forme d’équilibre dans les logiques de pouvoir. Et puis, là encore, l’entreprise a peur et demeure, malgré tout, mal et peu informée (quoique, dans ce domaine, des progrès considérables aient été faits). Petit à petit, des voies s’ouvrent.


Actuellement, je poursuis une recherche sur l’impact des processus de médiation artistique pour sortir des problématiques de harcèlement. L’intérêt c’est de mettre à distance les affects, les émotions, pour tenter de penser un peu les choses. Je ne fais qu’appliquer les principes de base qu’Aristote avait expliqués concernant les vertus citoyennes du théâtre! Le théâtre, la peinture, la photo peuvent être des moyens très efficaces de dépasser plus sereinement des situations groupales de harcèlement. Cela a l’air rigolo comme cela, mais c’est parfois même plus efficace de passer par le rire et par l’art que par l’inquiétude du jugement, la levée brutale du déni (qui parfois échoue), le diagnostic qui met l’accent sur les problèmes. Je ne suis plus trop sûre que pointer systématiquement les dysfonctionnements en permette nécessairement la résolution, tout particulièrement pour des entreprises qui n’ont absolument pas atteint la maturité nécessaire pour se confronter aux risques psychosociaux. La sensibilisation peut ainsi se faire sous des formes très différentes.


À suivre: dernière partie sur le harcèlement en tant qu'hypersensibilité prédictive et conclusion.




Harcèlement


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