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Chroniques du totalitarisme 5 - Quand tout devient fou…

Cet été 2021, j’ai eu l’occasion de venir en France, pays dans lequel je n’avais pas mis les pieds depuis plusieurs années. Ce fut l’occasion pour moi de constater une sérieuse dégradation des relations humaines et des valeurs, terre au sans doute fertile pour accueillir la décompensation paranoïaque en cours.


Paru dans l’Antipresse n°298 - Abonnez-vous à l’Antipresse !


Ariane Bilheran, normalienne (Ulm), philosophe, psychologue clinicienne, docteur en psychopathologie, est spécialisée dans l’étude de la manipulation, de la paranoïa,de la perversion, du harcèlement et du totalitarisme.


Il me faudrait peut-être d’abord, pour le lecteur non familier de cette terminologie savante, définir clairement ce qu’est une « décompensation ». La folie au sens propre est une psychose (caractérisée par le déni de réalité : la réalité telle qu’elle existe est rejetée) qui produit un délire (lequel produit une « néo-réalité » dans le discours, c’est- à-dire une narration, plus ou moins incohérente, qui raconte une autre réalité que celle qui existe). La plupart du temps, la folie est identifiable, parce que la narration se perd dans un temps et un espace qui ne correspondent pas à l’expérience, et forme une mosaïque juxtaposant des propositions grammaticales sans queue ni tête. Les néologismes(nouveaux mots) abondent, et même le non initié est alors capable d’identifier un délire.


Lorsque Marion prise d’un délire maniaque confond son transistor avec son chien Médor, et se promène avec le premier en laisse dans Marseille en lui parlant pour qu’il ne se brûle pas avec les pots d’échappement des voitures, il est tout de même visible pour le néophyte que « quelque chose ne tourne pas rond ».


Mais la psychose paranoïaque se caractérise quant à elle par un délire qui n’est pas aisément identifiable, car il s’apparente à la raison. Il en prend les habits, l’odeur, la couleur, la saveur, mais il n’est pas rationnel, et encore moins raisonnable. Délire de persécution, il a été dénommé « folie raisonnante » au début du XXe siècle par les psychiatres Sérieux et Capgras, sans néanmoins s’embarrasser du principe de non-contradiction.La réalité est réécrite, mais sous la perspective de l’idéologie: on fera le contraire des idéaux que l’on invoque, et surtout on persécutera des innocents désignés coupables,au nom du « Bien Commun ».


La paranoïa fonctionne sur la projection : accuser l’autre de sa propre culpabilité, et en particulier les profils particulièrement innocents, qui sont donc «vierges» pour accueillir une culpabilité supplémentaire. « Quand on veut tuer son chien, on l’accuse d’avoir la rage ».


Dans le délire paranoïaque, plus rien n’a de sens, mais tout prétend en avoir.


La psychose paranoïaque prétend au contrôle des esprits, en orchestrant un harcèlement des groupes qui les divise en « bons » et « méchants ». Les méchants sont ceux qui résistent au harcèlement, ou encore, refusent de rentrer dans la nouvelle réalité délirante, idéologique, proposée par la paranoïa. La paranoïa maîtrise les processus sectaires.


La décompensation est ce moment où le paranoïaque, qu’il soit un individu ou un groupe (car cette « folie raisonnante » est contagieuse), se met à délirer si sévèrement qu’il passe à l’acte. Car si le délire crée une nouvelle réalité pour remplacer l’ancienne,avec la paranoïa, il faut faire advenir cette nouvelle réalité. Le discours est un oracle performatif: il produit seul la réalité. Il n’y a plus de réflexivité avec l’expérience pour créer un chemin de vérité. La parole délirante est omnipotente et entend bien le démontrer, en marquant la réalité sous le sceau de l’idéologie.


Le discours n’est plus un reflet de l’expérience : c’est l’expérience qui doit se conformer au discours.


Il y a bien là une négation fondamentale de ce que les psychanalystes appellent le principe de réalité. Dans un article d’Hannah Arendt intitulé « Les germes de l’internationale fasciste », la philosophe note : « C’est un aspect trop négligé de la propagande fasciste qu’elle ne se contentait pas de mentir, mais envisageait délibérément de transformer ses mensonges en réalité. Ainsi, Das Schwarze Korps reconnaissait quelques années avant le début de la guerre que les peuples étrangers ne croyaient pas réellement les nazis quand ils prétendaient que tous les Juifs sont des mendiants et des vagabonds qui ne peuvent subsister que comme des parasites sur l’économie des autres nations ; mais, prophétisait-il, l’opinion publique étrangère aurait en l’espace de quelques années l’occasion de s’en convaincre, quand les Juifs allemands auraient été poussés hors des frontières précisément comme un tas de mendiants. » Personne n’était préparé à ce type de fabrication d’une réalité menteuse. La caractéristique essentielle de la propagande fasciste n’a jamais été ses mensonges, car le mensonge est un caractère à peu près commun de la propagande, partout et en tout temps.


Ce qu’exploitait essentiellement cette propagande, c’était l’antique préjugé occidental qui confond la réalité et la vérité, rendant ainsi « vrai » ce qui ne pouvait jusque-là être donné que comme un mensonge. C’est pour cette raison que toute argumentation contre les fascistes— la prétendue contre-propagande — est si profondément dépourvue de sens : c’est comme si l’on débattait avec un meurtrier potentiel pour savoir si sa future victime est vivante ou morte, en oubliant complètement que l’homme est capable de tuer et que le meurtrier, en tuant la personne en question, peut à tout instant démontrer la justesse de son affirmation. »


En clair, le délire paranoïaque persécute, au nom de ce qu’il prophétise. Et ce qu’il prophétise, il le fait tout simplement advenir.


« Il y aura des quantités de morts !!! », dit-il. Et de fait, à force d’interdire les traitements qui soignent les patients, il est fort probable que ces morts arrivent. De plus, la narration idéologique justifie la persécution par la légitime défense. Avec la paranoïa, il est autorisé de tuer puisque c’était pour se défendre !


Le meurtre est justifié et justifiable, puisqu’il est désormais permis de transgresser, au nom du Bien Commun.


Le moment de la décompensation paranoïaque, c’est-à-dire du déchaînement du délire, est extrêmement violent. Ceux qui côtoient des psychotiques, et en particulier, des paranoïaques, le savent très bien. Les bouffées délirantes procèdent par phases, avec des accalmies. C’est bien ainsi que l’on peut analyser les persécutions nazies : entre deux rafles, il y avait des assouplissements de mesures. Ça s’enflammait, puis se calmait, avant de s’enflammer à nouveau, exactement sur le mode de la bouffée délirante.


Par exemple, le 16 avril 1944, les 220.000 Juifs de Budapest (représentant 20% de la ville) durent s’installer dans les1948 « maisons à étoiles jaunes »,autorisés à ne sortir que trois heures par jour pour les courses,aller aux bains et aux rendez-vous médicaux. S’ensuivirent la confiscation des œuvres d’art et les expropriations, l’interdiction d’exercer une profession intellectuelle et la suppression de 500.000 volumes d’auteurs juifs.


Le 1er mai 1944, le décret du 22 avril est mis en application, stipulant des rations alimentaires inférieures pour les Juifs. Entre le15 mai et le 9 juillet 1944, Eichmann organisa,avec d’autres décideurs hongrois, la déportation de 437.402 personnes à Auschwitz-Birkenau. Mais en juillet, la décision de déporter tous les Juifs de Hongrie fut brutalement arrêtée. Dans le même temps, le confinement fut légèrement assoupli : les Juifs de Budapest purent sortir de chez eux six heures par jour, mais surtout, fin août 1944, ils furent autorisés à participer à certaines fêtes juives ainsi qu’à travailler. Les déportations reprirent sur le dernier trimestre de l’année 1944.


On voit bien que cela procède par vagues, lesquelles correspondent à des moments collectifs de bouffées délirantes, qui retombent par moments. Et ces vagues vont crescendo jusqu’à terme: soit la paranoïa collective est vaincue par la guerre, soit elle s’autoconsume dans une logique d’autodestruction (Hannah Arendt notait dans le même article d’ailleurs que les Nazis n’en avaient rien eu à faire de la destruction de l’Allemagne qu’ils avaient pourtant tant glorifiée dans l’idéologie dominante). À moins peut-être qu’elle ne rencontre suffisamment de résistance ? Nous sommes aujourd’hui encore à la croisée des chemins, et les mois à venir seront déterminants. Il faut et il suffit que les masses cessent de croire dans l’idéologie mensongère.


Le délire paranoïaque occupe tout l’espace psychique, et vous fige dans « le temps des glaciations ».


Le psychisme, pris au piège dans le non-sens, se réfugie alors dans le clivage qui lui est proposé: désigner un ennemi du malheur est tentant, et facile, surtout que c’est bien ce que fait systématiquement le harceleur. Si cela va mal, ce n’est pas à cause du harceleur, non! C’est à cause de celui qui lui résiste bien entendu!La narration délirante tourne en rond, et capturés dans le tourbillon d’informations reçues chaque jour tous azimuts, où les vents soufflent tous de façon anarchique et contraire, sans plus permettre de distinguer sa route, nous restons sidérés. Car c’est bien d’une tourmente délirante dont il s’agit. Le contrôle est confondu avec la santé; les soins seront désormais refusés à une partie de la population, sur des critères tout à fait clairs : que crèvent ceux qui refusent l’objet fétiche de l’illusion délirante! « Ce qui nous sauvera, c’est le vaccin ! » Bien que les discours politico-médiatiques aient annoncé que « le vaccin rendait libre », eh bien ce n’est pas vrai. Des « vaccinés » doivent passer des tests PCR car ils peuvent être contagieux.


Quel est donc le sens de séparer dans les classes les enfants « vaccinés » et les enfants « non-vaccinés », comme le propose le ministre de l’Éducation Nationale en France, Jean-Michel Blanquer, si les « vaccinés » peuvent être tout autant contagieux ? Tout ceci n’a plus ni queue ni tête ! Le délire paranoïaque cambriole tout l’espace psychique, et empêche tout recul et toute pensée, car il fonctionne de façon frénétique, au moment de la décompensation, par images chocs et passages à l’acte transgressifs.


L’individu est absorbé dans l’émotion et la sidération. Les coups pleuvent. La population qui capte le délire l’exécute, parce qu’elle a été engloutie dedans: c’est ainsi que l’on voit des personnes appliquer une loi de ségrégation avant même que cette loi ne soit votée.


La France a perdu la raison.


Le rythme des décrets et des décisions politiques empêche toute distance réflexive, et les gens, sentant bien que quelque chose ne tourne pas rond, veulent « agir ». Il serait pourtant nécessaire de faire une grande pause, avec un retour critique sur ce qui vient de se passer. Malheureusement, ce n’est pas du tout l’intention du pouvoir, qui entend « soumettre ou démettre ». Et il est bien naturel que, dans ces conditions, les peuples se rebellent.


Il est important d’éviter d’entrer dans le délire, et de considérer ce moment comme ce qu’il est: une décompensation délirante, face à laquelle il est fondamental de retrouver son espace psychique intérieur, c’est-à-dire de s’extraire de la propagande harceleuse qui provient non seulement des médias mais encore des informations incessantes reçues par les copains,les amis, les collègues etc. S’extraire ne signifie pas ne plus s’informer, mais être capable,en recevant les nouvelles, de conserver son univers intérieur, qui est ce que convoite le délire paranoïaque avec la prédation de l’intime.


Nulle action ne récoltera de fruits durables si elle vient en pure réaction et ce d’autant que la décompensation paranoïaque conduit au passage à l’acte, non seulement du pouvoir, mais encore de ceux qui lui résistent. « On va tout péter »,ai-je pu entendre. Mais « tout péter », cela donnera quel résultat ? Plus de désolation encore ?


S’abstraire de cette folie est indispensable.


La connaissance des mécanismes de la folie ne suffit pas: j’ai vu certains s’y engloutir alors qu’ils ont une grande connaissance des mécanismes de déni, de clivage, etc. Ce n’est pas à cet endroit que se situe la résistance intérieure, mais dans l’imprégnation d’un horizon, d’un passé, d’un ailleurs,suffisamment nourrissant et transcendant pour résister seul face au groupe devenu délirant. Il faut se renforcer dans sa capacité à s’incarner dans la solitude, essentiellement, le temps que les autres se réveillent et réalisent que ce à quoi ils avaient cru n’est qu’une farce doublée d’un cauchemar. Remettre du sens ne consiste pas nécessairement à décortiquer un délire truffé de paradoxes, qui abrase toute logique, mais à revenir à des fondamentaux moraux, historiques, littéraires, juridiques, mathématiques et philosophiques qui permettent de garantir les piliers de notre humanité. Ne considérons donc pas inutile de prendre du recul pour nourrir notre espace intérieur, pour réfléchir et garder une certaine distance, nous évader par moments dans d’autres temps et lieux au travers de la lecture, nourrir notre âme par la contemplation, afin de ne pas nous- mêmes sombrer dans le délire ou la violence. Il convient de noter d’ailleurs que le délire paranoïaque contamine tout l’espace social avec sa propre idéologie, mais encore qu’il crée d’autres idéologies paranoïaques en miroir, notamment chez ceux qui prétendent lui résister, alors que, parfois, ils se font avaler. La conclusion de Candide, face à la folie du monde, était de « cultiver son jardin », et c’est ce à quoi j’encourage le lecteur au sens propre, comme au sens figuré. La paranoïa invite toujours à jeter le bébé avec l’eau du bain. Sauvons le bébé, et faisons vivre en nous le monde d’avant le délire, et le monde qui lui succédera.

 

Note rectificative suite à l’article « Quand tout devient fou »


Suite à une remarque tout à fait fondée de François Hou, ancien élève de l’École Normale Supérieure (Ulm), agrégé d’histoire et Docteur en histoire contemporaine (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), dont je le remercie vivement, il est important de préciser que la déportation (prévue par Eichmann) des Juifs de Budapest a été stoppée par l’intervention du régent/amiral Horthy. Ce même régent Horthy avait pourtant permis la déportation de tous les Juifs de province (437 402), organisée de manière implacable par Eichmann, et mise en œuvre en à peine 2 mois, avec la nécessaire collaboration d’une grande partie de la population et des autorités hongroises.

Après cet épisode, les déportations massives vers Auschwitz ont été en grande partie stoppées et certaines lois anti-juives ont été assouplies jusqu'à ce que les persécutions reprennent massivement après le coup d’État des Croix Fléchées, jusqu’à ce que la persécution reprenne après le 15 octobre 1944. Quelles étaient les motivations d’Horthy ? Pourquoi a-t-il fait stopper ce plan ?

Une autre spécialiste, Anne Tiberghien, traductrice du hongrois, m’a indiqué une erreur de date (les Juifs de Budapest ont été forcés de se reloger dans les maisons à étoile jaune dans la deuxième moitié de juin 1944, et non en avril), et m’a en particulier transmis sur le sujet un article très fouillé de Randolph L. Braham traite entre autres des responsabilités hongroises et allemandes dans l'extermination des Juifs de Hongrie et permet de mieux comprendre d’un point de vue historique les assouplissements et durcissements des lois antijuives.

En voilà un extrait : « Le gouvernement Sztojay que nomma Horthy dans les règles constitutionnelles, le 22 mars 1944, permit aux nazis allemands et hongrois de liquider les Juifs de Hongrie avec une rapidité et un niveau de barbarie inégalés dans l’Europe nazie. Sous la direction de moins de cent officiers SS, la police, la gendarmerie et la fonction publique hongroises mirent en place les différentes étapes menant à la déportation et au meurtre de masse subséquent des Juifs, d’une manière routinière et cruelle qui impressionna même les nazis allemands. Horthy décida d’arrêter les déportations au début du mois de juillet, à la suite de puissantes pressions locales et internationales [c’est moi qui souligne]. Quelques-uns des dirigeants mondiaux, dont le pape Pie XII, le président Roosevelt et le roi de Suède, décidèrent enfin d’intervenir en faveur des Juifs, après que les presses suisse et suédoise eurent révélé le contenu du chapitre hongrois de la « Solution finale ». Le facteur déterminant pour convaincre Horthy d’agir fut la prise de conscience que le débarquement des Alliés occidentaux en Normandie et l’avance inexorable de l’Armée rouge à l’Est entraîneraient inévitablement la défaite de l’Axe. L’évaluation de la situation militaire par Horthy fut vraisemblablement influencée également par le bombardement américain de Budapest, le 2 juillet. Mais lorsque Horthy arrêta enfin les déportations, la Hongrie entière, à l’exception notable de Budapest, était déjà Judenrein. […] Si la décision de Horthy fut clairement d’une réelle importance dans le sauvetage des Juifs de Budapest, les observations que fit Edmund Veesenmayer, l’ancien plénipotentiaire de Hitler en Hongrie, ne furent pas sans pertinence. Témoignant pour l’accusation en 1945-1946, lors des procès de Laszlo Endre, de Laszlo Baky et d’Andor Jaross, les principaux architectes hongrois de la « Solution finale », il fit remarquer que, dans la mesure où il montra son pouvoir d’arrêter les déportations, Horthy, s’il l’avait voulu, aurait pu empêcher leur déclenchement. Ainsi, on ne peut reconnaître à Horthy le mérite d’avoir sauvé la plupart des Juifs de Budapest que si l’on lui attribue une part significative de responsabilité dans les déportations. »

La politique de persécutions a connu des « stop and go », en Hongrie, comme dans tous les systèmes totalitaires. En Colombie, ces « stop and go » sont appelés le « fonctionnement en accordéon » (on ouvre/on ferme). Cela peut s’expliquer par des contingences purement historiques (décisions individuelles, conflits entre factions etc.), mais ma proposition de lecture des événements se situe à un autre niveau, dans les lames de fond de l’Histoire et de ses vagues de persécutions totalitaires. Dans cette perspective, l’individu n’est qu’un instrument qui participe à l’Histoire, et se retrouve aux prises avec la puissance de la folie collective, et son fonctionnement.

Nous pourrions prendre un autre exemple, chez Staline : les Procès de Moscou, entre 1936 et 1938, dans le cadre des Grandes Purges. Je fais l’hypothèse que ces Purges internes au parti Procès ont servi de diversion pour masquer l’échec du premier plan quinquennal et de la collectivisation des terres. Et puis, il fallait bien trouver des coupables à cet échec ! L’historien Nicolas Werth note : « La Grande Terreur s’arrêta comme elle avait commencé : sur un ordre de Staline ». Ces exécutions de masse s’arrêtent brusquement en novembre 1938, peu après les Accords de Münich des 29 et 30 septembre 1938, auxquels Staline n’a pas été invité. Je fais l’hypothèse qu’une persécution en a remplacé un autre, et que cette absence d’invitation aux Accords de Münich a dévié l’attention de Staline sur un autre sujet, vécu comme davantage persécuteur. C’est la folie qui dirige, et non plus les individus, qui deviennent des instruments des bouffées délirantes, qui surgissent puis s’éteignent ou se calment avant de resurgir. Avec ce niveau de lecture, effectivement, Horty peut-être l’instrument d’un mouvement psychique collectif (voir ce que j’ai souligné dans le texte), les individus étant aux prises, dans le totalitarisme, avec l’idéologie de fond et son fonctionnement : ils la servent ou y résistent, mais ils sont tout de même pris dedans (comme dans un collectif harceleur, c’est la même chose, ou une famille dysfonctionnelle). Ce ne sont pas seulement les individus qui font l’Histoire : ils sont confrontées à des vagues de fond qui les dépassent et surpassent la contingence des événements (cf. la préface de Fernand Braudel à La Méditerranée).

[27 août 2021]

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