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Article dans la revue Décroissance


Article d'Ariane Bilheran dans la revue Décroissance du mois de novembre 2021.


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Le krach est-il notre salut ?


« De premiers embryons chimériques homme-singe ont été créés » claironne Le Monde le 15 avril 2021. Loin de s’en inquiéter, les monstruosités du transhumanisme sont célébrées par le système médiatico-politique. Le Progrès qui progresse et la Nouveauté qui innove sont désormais en roue libre. Toutes les barrières morales semblent tomber accusées quasi-systématiquement de renvoyer au « monde d’avant » ou à la réaction. L’effondrement de la société est-il alors la seule issue pour éviter qu’« homo deus» ne commette le pire ?


L’effondrement de la société semble inévitable.

Inévitable car il est la conséquence d’un long processus d’autodestruction que l’humanité a mis en route, et qui est désormais devenu tout à fait possible, par l’émergence de nouveaux outils techniques et technologiques.

Que dire, à part constater notre effondrement moral ? Toutes les transgressions sont aujourd’hui non seulement permises et autorisées, mais encore encouragées, au nom du « progrès » et de « l’innovation ». L’enseignement fondamental de l’anthropologie a été oublié : toute civilisation ne survit et ne se maintient qu’en s’appuyant sur deux tabous majeurs, celui du meurtre et celui de l’inceste. Je dis souvent que, pour qu’une maison tienne debout, il faut a minima quatre piliers.

La maison du psychisme humain, qu’il s’agisse des individus ou des collectifs, se fonde sur les quatre piliers suivants : l’interdit du meurtre (et ses dérivés, par exemple ne pas nuire, calomnier etc.), l’interdit de l’inceste (et ses dérivés, par exemple, ne pas porter d’atteinte sexuelle aux enfants), la différence des sexes (acquérir en soi la représentation de l’altérité radicale : l’autre est radicalement autre, biologiquement, constitutionnellement) et la différence des générations (il y a eu un avant moi, il y aura un après, je ne me suis pas engendré tout seul mais je suis le résultat de toutes les générations qui m’ont précédée). Sortir de la sauvagerie suppose quatre castrations psychiques qui nous remettent à notre place, c’est-à-dire à notre toute petite place d’être humain face à l’infiniment grand qui est à la source de toute vie et création. C’est en acceptant notre humilité, c’est-à-dire notre petitesse près du sol (humus signifie la terre), que nous devenons grands. La prétention d’être Dieu à la place de Dieu, homme et femme à la fois, dans la toute-puissance, la confusion des places et des générations, conduit à l’aspiration d’une immortalité matérielle, qui n’a aucun sens, sinon celui de nier notre nature d’êtres spirituels, mus par le souffle de l’Esprit.

L’humanité souffre, et elle en ignore les causes. Pire, elle ne les cherche pas forcément, et ne s’en préoccupe pas souvent. L’effondrement en cours sera barbare. La nature s’en mêlera peut-être, comme les volcans en réveil un peu partout dans le monde nous en envoient le signal.


Le caractère inévitable de cet effondrement le rend-il souhaitable, et devons-nous le souhaiter ?

Pour autant, le caractère inévitable de cet effondrement qui a commencé par notre affaissement moral ne me paraît pas souhaitable, et je dirais même que nous ne devrions pas le souhaiter. Car il entraînera des souffrances inouïes. Entre 2020 et 2021, près de trente millions de personnes en plus ont basculé dans l’extrême pauvreté en Amérique du Sud, des suites des décisions politiques : quelle belle démonstration de l’absurdité de ce qui s’est fait au nom de la santé pour tous (sauf pour la majorité…) !

La culture est ce qui fait rempart à la barbarie. Elle suppose la conservation des traces, des témoignages, des connaissances ancestrales. Quand la maison s’effondre, car les piliers sont effrités, il convient de sauver tout ce qui peut l’être. En d’autres termes, notre devoir d’êtres de culture est de sauver le bébé afin qu’il ne soit pas jeté avec les eaux du bain.


Il n’y aura de salut que pour soi-même.

Nous devons tenir dans l’adversité, d’abord sur un plan moral, et nous structurer dans la verticalité. Est-ce que je crois en un autre salut qu’en son propre salut pour soi-même ? Non. Toutes les sirènes des espoirs sur un « monde nouveau », sur « un futur radieux post-chaos » me paraissent aussi pernicieuses que les sirènes d’Ulysse, car elles donnent l’espoir d’une renaissance ici, alors que la véritable renaissance ne concerne pas le monde de la matière. Elle est spirituelle et en soi. Espérer une libération matérielle sur une terre aussi chaotique est une illusion supplémentaire. Est-il impossible d’espérer ? Non, mais nous devons nous demander ce que nous espérons au juste. L’espérance n’est pas à exclure, sans occulter les raisons profondes d’une action juste : faire ce que nous devons, dans les limites de ce que nous pouvons. Renaître, c’est d’abord procéder à un travail d’introspection sur nos façons d’aimer (dont on a vu qu’elles fonctionnaient essentiellement au chantage : si tu aimes… tu portes un masque, tu te vaccines, tu t’emprisonnes chez toi etc.), de respecter, d’être au monde autrement qu’en tant que consommateurs et propriétaires d’un vivant qui dans les faits ne nous appartient pas.



Ariane Bilheran, normalienne (Ulm), philosophe, psychologue clinicienne, docteur en psychopathologie, auteur de Psychopathologie de la paranoïa (Dunod), et Psychopathologie de l’autorité (Dunod), et à paraître Le débat interdit. Corruptions de la langue et dérive totalitaire, co-écrit avec Vincent Pavan (Trédaniel).


PS additionnel sur les volcans : que ceux qui raillent mes propos au sujet des volcans s'informent davantage, cf. Canaries, Colombie, Islande, Japon etc.

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